Les propriétaires bailleurs de logements indécents privés d’indemnisation
La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt stipulant que les propriétaires-bailleurs ne peuvent pas recevoir d’indemnisation pour perte de revenus locatifs si leur bien immobilier à usage d’habitation principale donné à bail est indécent. L’analyse des experts de Modelo.
Dans un arrêt rendu en date du 11 janvier 2023, la Cour de cassation a conclu qu’un propriétaire-bailleur ne peut pas prétendre à une indemnisation en raison de la perte de revenus locatifs suite à une mesure d’expropriation d’un bien à usage d’habitation principale donné à bail si le logement est indécent.
La loi relative aux rapports locatifs et le logement décent
L’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs dans le cadre des baux à usage d’habitation dispose « Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale (…) et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation »
Ainsi un propriétaire exproprié d’un bien loué à usage d’habitation, qui ne répond pas aux critères de décence imposés par la loi, ne peut prétendre à aucune indemnisation en raison de la perte de revenus locatifs.
Effectivement, son bien ne peut pas être utilisé pour l’usage déclaré du fait qu’il ne respecte pas la loi relative à la décence d’un bien à usage d’habitation.
Délivrer un logement décent est une obligation d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut pas y être dérogé, de quelque façon que ce soit.
Les critères de décente du logement
La définition du logement décent s’est développée au fil du temps tant par la loi que la jurisprudence ou encore les règlements sanitaires départementaux (RSD).
Sécurité physique et santé des locataires
Un logement décent, c’est un logement qui doit assurer la sécurité physique et de la santé des locataires, tels que :
- assurer le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation
- Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
- Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
- Les pièces principales bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.
Des éléments d’équipement et de confort
Un logement décent doit comporter des éléments d’équipement et de confort, tels que :
- l’aménagement d’une cuisine ou d’un coin cuisine permettant de recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier ;
- des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
- une installation sanitaire intérieure comprenant des WC séparés de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas et un équipement pour la toilette corporelle comportant une baignoire ou une douche. Une installation sanitaire extérieure est autorisée si le logement ne comporte qu’une seule pièce et à condition qu’il soit situé dans le même bâtiment et accessible facilement ;
- une alimentation en eau courante.
Consommation d’énergie inférieure à 450 kilowattheures par mètre carré
Un logement décent doit avoir une consommation d’énergie inférieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an, depuis le 1 er janvier 2023, en France métropolitaine. Ne seront donc plus considérés « décents », les logements classés :
- en catégorie G (extrêmement peu performant) à compter du 1er janvier 2025 ;
- en catégorie F (très peu performant) ou G à compter du 1er janvier 2028 ;
- en catégorie E (peu performant), F ou G à compter du 1er janvier 2034.
En Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à la Réunion et à Mayotte, l’exclusion s’appliquera à compter du 1er janvier 2028 pour la catégorie G et, à compter du 1er janvier 2031, pour les catégories G et F
Chauffage normal et réseau électrique
Un logement décent doit notamment comporter une installation permettant un chauffage normal et un réseau électrique suffisant pour permettre l’éclairage de toutes les pièces et le fonctionnement des appareils ménagers courant.
Etanchéité à l’air
Un logement doit avoir des portes et fenêtres ainsi que des murs et parois donnant sur l’extérieur ou sur des locaux non chauffés présentant une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés doivent être munies de portes ou de fenêtres et les cheminées de trappes
Ouverture et ventilation
Un logement doit avoir des dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation en bon état et permettant un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale et au fonctionnement des équipements,
Bon état de réparation
Un logement décent doit être en bon état de réparation, c’est-à-dire qu’il doit être immédiatement habitable
Pas d’infestation ni de parasites
Un logement doit être exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites,
9 mètres carrés minimum
Un logement décent doit disposer au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.
Pour les logements issus de construction neuve ou suite à la création de nouveaux lots de copropriété après division, la surface et le volume habitables d’un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l’établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième.
Ce qu’il faut retenir en conclusion
En conclusion, la Cour de cassation a affirmé dans cet arrêt que le propriétaire d’un bien à usage d’habitation principale donné à bail qui ne respecte pas les critères de décence imposés par la loi, ne peut pas prétendre à une indemnisation en cas de perte de revenus locatifs suite à une mesure d’expropriation.
Délivrer un logement décent est une obligation d’ordre public, qui ne peut pas être dérogée de quelque manière que ce soit.
La définition du logement décent est précisée par la loi, la jurisprudence et les règlements sanitaires départementaux.
Prendre un bien à la location à usage d’habitation signifie ainsi pour l’agent immobilier de devoir s’assurer que le logement répond à l’ensemble de ces critères.
Source : https://www.mysweetimmo.com/